Premier jour à Darjeeling, la vie au refuge
Je suis logée au refuge en lui-même, juste à côté de la cuisine, dans une chambre individuelle avec salle de bains. Réveil en fanfare ce matin car un jeune garçon est entré sans prévenir dans ma chambre, pour m’apporter un thé au lait. Délicate attention, dont je me serais bien passée car il était 7h du matin !
La journée fut pourtant peu chargée. Le vétérinaire, Yoguesh, m’a expliqué qu’ils sortaient tout juste d’une campagne sur Darjeeling et que la plupart des employés (sortes d’auxiliaires vétérinaires et rabatteurs pour attraper les chiens des rues) sont partis pour Kalimpong, où nous irons d’ailleurs dans 3 jours. Donc pour l’instant, il n’y a pas grand-chose à faire au refuge, et ce n’est pas plus mal, ça me laisse le temps de me mettre dans le bain…
Ce matin, nous avons fait 3 allers-retours (un aurait suffit, mais bon…) au « centre-ville » (en fait je ne loge pas à Darjeeling-même, mais à 3km, dans un petit village nommé Lebong) pour aller chercher une carte SIM indienne pour moi (135 roupies, avec 30 roupies de recharge inclues… ça coute donc moins de 3€ d’ouvrir une ligne ici), puis des vis et du fil de fer et enfin voir s’il y avait du shampoing pour moi.
Une jolie maison sur le bord de la route
Quelques photos de la vue depuis le refuge
En regardant vers le haut
En regardant vers la vallée
Les chiens du refuge (il y en a une quinzaine) avec un des soigneurs
Le reste de la matinée fut passé à discuter de la manière dont on pourrait opérer un chiot de 2-3 mois qui s’est fracturé le fémur. Heureusement, il est possible de faire des radios, dans le centre de radiologie (pour humains) de Darjeeling : c’est une fracture oblique, donc assez difficile à réparer. De part sa localisation et le fait que c’est un chiot, un plâtre habituel est impossible (ils n’ont que du plâtre de Paris ici) car la pauvre tombe sous le poids du plâtre ! Le vétérinaire voulait donc que je l’opère pour lui poser des vis et un cerclage… d’où l’aller-retour à la quincaillerie ce matin. Cependant, j’ai fini par le persuader qu’une opération n’était sûrement pas une bonne idée, car aucun de nous deux ne savait vraiment comment faire et surtout le matériel n’est absolument pas médical, donc même en étant stérilisé…le résultat ne serait pas top
Le chiot en question
Donc nous allons sûrement lui mettre un autre plâtre, avec la seule bande de résine qu’il a en stock. Sa principale réticence à utiliser cette unique bande de résine est surtout parce qu’il n’a pas de quoi couper la résine d’ici quelques semaines ! Mais nous trouverons bien une solution, j’ai vu une scie fil trainer quelque part.
Juste avant le repas de midi, un homme a ramené un vieux chien des rues, qui avait visiblement une grosse tumeur ulcérée, entourant le pénis. Le vétérinaire étant un peu Mc Gyver sur les bords, et moi ne voulant pas euthanasier ce chien en première intention (car à part sa tumeur, il semblait en assez bonne santé), nous décidons de faire une laparotomie exploratrice après le repas de midi, et d’aviser une fois le chien sur la table : si la tumeur n’envahit pas la cavité abdominale, on « enlève tout » et on fait une urétrostomie périnéale ou anté-scrotale avec castration (familièrement parlant, on transforme le mâle en femelle), et si la tumeur traverse la paroi abdominale, on euthanasie, car on n’est pas équipé pour d’aussi grosses chirurgies et on ferait plus de mal qu’autre chose en coupant un peu à l'aveugle dans une tumeur.
(photo de la tumeur en lien http://indiavet.canalblog.com/archives/photos_potentiellement_choquantes/index.html)
Malheureusement, peu après avoir débuté l’opération, nous nous sommes vite rendus compte que les muscles en région pubienne étaient complètement modifiés par la tumeur et que donc, il s’agissait assez probablement d’un phénomène tumoral important. Le vieux chien ne fut donc pas réveillé…
Ensuite 2-3 vaccinations de chiens (et 1 chat ! C’est assez rare pour le noter apparemment ) emmenés par leurs propriétaires (ici on vaccine principalement contre la rage, les autres vaccins, difficiles à se procurer et également chers, sont assez peu utilisés).
Cette première pseudo-chirurgie m’a tout de même donné un petit aperçu de la manière dont vont se dérouler les chirurgies « classiques » (stérilisations en tête) prochainement : tout d’abord, on n’opère que de jour. Ça peut paraitre bête, mais avec les fréquentes coupures de courant, il est impossible d’espérer opérer le soir. Le vétérinaire m’a raconté hier soir une amputation qu’il a faite une fois à la lueur des phares de voiture (il y a beaucoup de gangrènes ici), après 12 stérilisations d’affilée…A ne pas refaire selon lui.
La table d’opération est également très simple, avec pour seul éclairage (quand il y a du courant) une simple lampe au plafond avec abat-jour. Ici, pas d’appareil de gazeuse, on fait tout sous anesthésie fixe (xylazine/kétamine), avec perfusion et cathéter (ils utilisent des épicrâniennes comme cathéter, assez facile à mettre mais ça ne tient pas très bien). Une simple autoclave suffit pour stériliser le matériel entre 2 chirurgies.
Par contre, niveau personnel, ils ont 2 personnes pour tenir les chiens, dont une sait aussi préparer tous les protocoles anesthésiques, poser les cathéters, tondre les chiens et les scruber, etc. C’est cette même personne qui nettoie entièrement la salle et tout le matériel après utilisation.