13 juillet 2010, la fête du 13e jour
Aucun lien entre les deux 13, je vous rassure. Aujourd’hui a eu lieu
une importante fête, à savoir le 13e jour après la mort de Bharat, jour
où les proches du défunt retrouvent leur pureté.
Je vais commencer le récit, pour une fois, par la veille au soir, juste
le temps de vous montrer une photo de celui qui a partagé mon lit cette
nuit : Tigbee. Notez l’air de malheureux, et pour cause, cela faisait
15 minutes qu’il gémissait sous mes fenêtres, alors qu’il était
pourtant protégé de la pluie. Un comédien hors paire, celui-là. Dans ma
bonté (et ma stupidité), je l’ai fait rentrer dans ma chambre et il
s’est directement installé confortablement sur mon plaid…
Le problème sera surtout pour moi de pouvoir trouver une petite place
où me caser, car évidemment, Tigbee les lits, c’est son truc, et il
sait très bien prendre toute la place… Et avec sa bonne trentaine de
kilos, on ne le déplace pas si facilement.
Nuit peu propice à un sommeil réparateur grâce à ce boulet de chien, je
m’offre une petite grasse matinée en raison de l’absence de chirurgies
et de consultations. Viendront néanmoins le petit carlin, qui va bien
mieux et, vers midi, mon petit amputé, dont la plaie bourgeonne
gentiment, j’aimerais bien que l’épithélialisation démarre dans la
foulée…
Un peu avant midi, une belle surprise m’attend : l’équipe du refuge de
Kalimpong vient d’arriver, presque au complet ! J’apprendrai bien vite
la raison de ce déplacement, c’est le 13e jour après la mort de Bharat
et nous sommes tous invités à la maison du défunt pour partager un
repas avec les proches et les amis et c’est une fête apparemment
importante dans la religion hindoue.
Vers 13h nous partons pour la maison et effectivement, il y a foule !
Une bonne cinquantaine de personnes, à la louche ! L’ambiance y est
très étrange et me perturbe beaucoup : en effet, si je n’avais pas
assisté à l’enterrement de Bharat, j’aurais pu croire qu’on fêtait une
naissance ou un baptême tellement les visages étaient enjoués, cela
rigolait et criait de partout… En réalité, les indiens n’ont pas la
même notion du deuil que nous, et même s’il y aura pendant longtemps
des cérémonies à des dates anniversaires de la mort de Bharat, la
tristesse n’a pas vraiment sa place ici.
Etant donnée que je m’attendais à une fête bien moins animée, je n’ai
pas osé emmener mon appareil photo et je n’ai donc pas pu prendre en
photo le délicieux plat qui nous a été servi, composé de riz, de dhals
(excellents), de boulettes de soja épicées, de diverses salades de
légumes type macédoines, mais à l’indienne et d’un puri (tchapati
frit), le tout à volonté évidemment, mais rien qu’en prenant une petite
cuillère à soupe de chaque plat, je n’arriverai pas à tout finir, en
plus d’avoir la bouche en feu après 2 bouchées… mais vraiment
excellent, ce soir je regrette de ne pas avoir un puri sous la main,
j’en ai l’eau à la bouche rien que d’y penser.
Après le repas, nous quitterons assez rapidement les lieux, ce qui
m’étonne à nouveau car je pensais que nous étions là pour parler avec
les gens et rester un peu plus longtemps… mais non, apparemment c’est
habituel de procéder ainsi et ça ne choque personne.
Retour au refuge où nos amis de Kalimpong feront une petite pause
post-prandiale avant de repartir pour leur refuge, la rencontre aura
été très agréable mais trop courte… qu’importe, vendredi nous
retournons à Kalimpong, j’ai hâte !
Juste avant le départ j’ai réussi à rassembler tout le monde pour
prendre une photo souvenir, mais nous étions dans la brume donc les
photos ne sont vraiment pas réussies….
La toute première photo que j’ai prise, notez l’air sérieux de la moitié des personnes !
Puis le chauffeur de la voiture a accepté de nous prendre en photo, pour que je rejoigne le tableau de famille !
Durant l’après-midi, le propriétaire de la chienne que nous avions
examinée hier soir est arrivé. Yoguesh me tend un stéthoscope et me dit
d’aller voir si ça pourrait être un problème cardiaque, mais je
n’entends strictement rien avec ce stéthoscope et je ne peux conclure.
Je fais par à Yoguesh de problème, et quelques minutes après, comme par
magie, un 2e stéthoscope, bien plus performant, fait son apparition
dans la clinique ! Avec celui-là, je peux ausculter de façon à peu près
correcte le cœur, et n’y entendre aucun souffle, mais c’est bien la
seule bonne nouvelle car l’état de la chienne s’est encore détérioré,
elle respire vite, ne bouge plus et ne mange plus… Nous faisons alors
part au propriétaire de notre hypothèse diagnostique la plus probable,
à savoir un lymphome mésentérique ayant métastasé au foie, ce qui
englobe tous les symptômes que la chienne présente. Pendant quelques
minutes nous cherchons un protocole anti-cancéreux car il n’est pas
trop difficile de se procurer de la vincristine en Inde, mais en lisant
attentivement un livre de référence en médecine canine, ce genre de
lymphome répond très mal au traitement… Avec l’accord du propriétaire,
nous décidons donc de ne pas nous lancer dans un tel protocole et
d’euthanasier la chienne demain, quand il reviendra avec quelques
proches. Cet homme avait l’air très attaché à sa chienne, c’en était
très touchant. En attendant, pour soulager la pauvre mamie, nous la
perfusons, lui administrons du furosémide pour les œdèmes et l’ascite
et une forte dose de dexaméthasone pour lui donner un « coup de boost
».
En fin d’après-midi Apu, le chien chiffon, subira les effets de notre
ennui, à savoir un nettoyage d’oreilles, sous sédation puisqu’elle ne
supporte pas ça. Et à nouveau, malgré la sédation la partie sera
difficile car mademoiselle est très sensible…Puis je persuaderai
Yoguesh et Catrina d’aller marcher un petit peu, et nous ramènerons au
refuge la petite chienne des voisins, qui aura droit à un déparasitage
en bonne et due forme : carbaryl, ivermectine en sous-cutané et bolus
de fenbendazole, rien que ça ! Et enfin, pour finir, une fin de soirée
tranquille, toujours sous une pluie battante (il ne pleut à grosses
gouttes que la nuit en ce moment, prions pour que ça dure), mais sans
Tigbee cette fois-ci !