Darjeeling, le pays du thé…. et de la Marie-Jeanne ?
Etrange découverte que celle de ce soir. Pour une fois je commencerai
ce récit par la fin en vous racontant l’anecdote que je viens de vivre
: en discutant avec Yoguesh, Subash et Lil, ils m’ont appris que la
marijuana était une plante très courante en Inde (j’en avais entendu
parler, mais bon, ce n’est pas vraiment mon sujet principal concernant
ma venue en Inde) et particulièrement dans le coin. Les gens d’ici
l’utilisent même pour soigner les vaches ayant la diarrhée ! Voila une
nouvelle qui devrait intéresser les agriculteurs français ! Je savais
qu’en France des études sur les effets positifs du DHEA avaient été
menées, mais de là à les appliquer aux vaches, j’avoue que je n’y avais
jamais songé. En rigolant, Yoguesh m’annonce que si je veux en voir (et
plus si affinités), elle pousse même autour du réservoir d’eau du
refuge ! Bon, ce n’est pas du tout mon intention, mais tout de même, ça
fait assez bizarre. Je dois vraiment être « fussy » comme Yoguesh dit !
Ce ne fut heureusement pas le seul sujet de conversation de la soirée,
mais je raconterai les autres plus tard car il est temps de reprendre
le cours de ce journal (un peu de rigueur tout de même).
La matinée commence doucement, Catrina et Yoguesh m’annoncent qu’ils
vont manger en ville chez les parents de Yoguesh, donc je gère le
refuge « seule ». Soit, ce n’est pas trop compliqué en soit et il y a
rarement beaucoup de cas. Mais forcément, LE matin où je suis seule,
les propriétaires décident de venir tous en même temps. Quatre
consultations ce matin, alors qu’on en a maximum 2 en temps normal.
Bon, vous me direz, 4 consults en une matinée, ça devrait être
parfaitement gérable, mais parmi elles, il y avait Buddy, le jeune
labrador de 6 mois qui vient presque tous les jours depuis 15 jours
(c’était Yoguesh qui le gérait à chaque fois), et qui aujourd’hui va
vraiment mal. Il a vomi dimanche et depuis hier il ne mange plus, il
est vraiment apathique (mais gobe les mouches en vol… un vrai labrador
!).
Je l’examine attentivement, et remarque qu’en plus d’avoir des
fréquences respiratoire et cardiaque élevées, il a les muqueuses un peu
pâles… anémie ? Impossible à prouver sans analyse sanguine. Mais je le
note et par précaution il recevra des antibiotiques par voie orale
(nous n’avons aucun antibiotique en injectable au refuge qui ne soit
pas dangereux pour les chiots en croissance) et un vermifuge (et une
perfusion, même si j’estimais qu’elle était inutile, mais ils aiment
bien perfuser au refuge). Au moment de renvoyer le chiot chez lui, il
se met à respirer très difficilement, s’allonge sur le côté… je
l’ausculte, pas d’œdème pulmonaire a priori… mais qu’est ce qu’il a
donc ? Dans le doute il recevra de la dexaméthasone (corticoïde) et ira
mieux en deux minutes. Ouf, la partie semble gagnée ! (pour le moment
du moins).
Sur ces entrefaits, Yoguesh et Catrina reviennent, cette dernière ne va
toujours pas mieux et le repas très lourd n’aidant pas, elle va se
coucher et je ne la reverrai pas de toute la journée. Avec Yoguesh nous
discutons de ce cas, et pendant nos élucubrations sur les possibilités
de diagnostic ou les possibilités de faire une analyse sanguine (ce qui
se révèlerait extrêmement compliqué), le chiot, qui était resté au
refuge car la grève entre 11h et 13h empêche toute voiture de circuler,
se met à vomir presque à nos pieds. Avec, évidemment, les antibiotiques
et le vermifuge dans le contenu stomacal au sol…. Chouette, il ne
manquait plus que ça !
Nous décidons alors de prendre le taureau par les cornes, et passons
aux antibiotiques en injectable. C’est risqué sur un chiot en
croissance, à cause des potentielles lésions sur le cartilage, mais
nous pesons longuement le pour et le contre, et vu son âge et son poids
(25 kg), nous décidons de prendre le risque d’une injection afin de
visualiser l’évolution. Il reçoit également une injection de
métoclopramide (anti-émétique) et sera vermifugé demain s’il va mieux…
A suivre…
Yoguesh me montre alors le petit cadeau qu’il m’a ramené : il voulait
me ramener encore ces délicieux samossas que j’avais adorés la veille,
mais il n’y en avait apparemment plus. Il a donc choisi à la place des
immerti. Au début j’ai cru que c’était des jelebi, ces confiseries
orange atrocement sucrées mais c’est pire ! Ces bombes caloriques sont
faites de sucre et de ghee (beurre clarifié). Autrement dit, c’est
délicieux, et on a un sentiment de remord irrépressible mêlé à une
satisfaction intense en croquant dedans !
Il faudrait d’ailleurs que je pense à faire un article sur les
confiseries ici, car même si les desserts ne font pas partie du repas
habituel des indiens, il n’empêche que les talents culinaires de ces
derniers ne s’arrêtent pas à la préparation des plats salés ! Alors si
vous aimez les confiseries sucrées à en être écœurantes après deux
bouchées, cet article vous ravira certainement !
Une petite confiserie que j'aime beaucoup, des sortes de caramels friables
Le reste de l’après-midi ne sera guère animé, et pour cause, tout le
monde fera la sieste ou presque ! Ah ça bosse dur en Inde ! La raison
de ce creux dans l’activité du refuge est que la rotation des équipes
entre les refuges est proche et que Subash vient tout juste de revenir
de Kalimpong. Quid de la rotation ? Je viens de comprendre le système :
quand le refuge de Darjeeling a été construit, il y a à peine plus de
18 mois, pour avoir des équipes déjà compétentes et entrainées,
l’équipe de Kalimpong a été séparée en 2 équipes de 3-4 personnes qui
tournent entre Kalimpong, où elles vivent, et Darjeeling, où elles sont
logées au refuge. Une personne plus physionomiste que moi l’aurait
sûrement remarqué plus tôt, mais je suis un peu longue à la détente.
Donc demain Lil part, apparemment Rudra reste (Saila habite dans le
coin, c’est le seul « nouveau » de l’équipe) et Subash également car il
nous faut un chauffeur et le chauffeur attitré de Kalimpong doit y
rester pour raisons personnelles. Donc l’activité principale
(stérilisations) devrait redémarrer dimanche ou lundi.
La soirée se passera en discussions, avec Yoguesh d’abord, puis Subash
et Lil nous rejoindront. Ils me raconteront les pires camps qu’ils ont
vécu, comme celui de 7 jours à marcher 6h par jour, 4h entre chaque
village et 2h pour trouver un endroit où dormir, aucune route
pratiquable, donc tout le matériel chirurgical transporté à dos
d’homme, où il y a eu une tempête une nuit et où ils n’avaient même pas
de couverture pour se couvrir et où certains comme Rudra étaient
supposés dormir sur le balcon, en pleine tempête ! bref, il y a des
fois où c’est un sacré challenge à relever, les programmes de
stérilisation !
Subash m’a ramené également un petit cadeau de Kalimpong, un drôle de
fruit, je le garde en main en prévoyant de l’examiner plus tard,
pensant que c’est quelque chose de nouveau et inconnu. Mais sur demande
de Yoguesh je l’écrase dans ma paume et… c’est simplement un fruit de
la passion ! Délicieux d’ailleurs. Yoguesh embraye alors sur les récits
des anciens bénévoles, et je me rends compte que parmi les personnages
hauts en couleur qu’ils ont pu recevoir, je dois faire pâle figure !