21 juillet 2010, les australiens…
Réveil tranquille ce matin, mais au moment de démarrer les 5 petites
chirurgies de la journée (3 femelles et 2 mâles), pas de Yoguesh à
l’horizon… Catrina m’expliquera qu’il est « mourant » au fond de son
lit, il a mal à la gorge et des aigreurs d’estomac… tiens tiens, juste
après qu’on lui ait conseillé de se mettre à la diète et de ne pas
manger épicé après le retour de Kalimpong (où il m’avait fait le coup
du « mourant » parce qu’il avait des aigreurs pendant le voyage) et
qu’il ne nous ait pas écoutées… Nous rigolons un petit coup (dommage
que le sketch de Florence Foresti sur les garçons soit en français,
quoique si j’arrive à le télécharger je me ferai un plaisir de lui
traduire !) et je m’attèle aux chirurgies avec mon fidèle partenaire,
Subash. On forme décidément une équipe du tonnerre, je rêve d’avoir un
ASV aussi brillant que lui plus tard ! Ce « guy » (on les appelle
toujours les « guys » de l’équipe) il aurait pu être vétérinaire sans
souci si ses parents avaient eu plus d’argent et s’il avait été plus
motivé par l’école … il a au moins eu l’intelligence, après avoir
quitté l’école après le « brevet des collèges » d’aller se porter
bénévole au refuge de Kalimpong pendant 6 mois pour leur montrer ses
capacités et se faire engager au final !
Cinq chirurgies et une heure plus tard (je progresse !), la journée se
termine…déjà ! J’en profite pour retourner une fois de plus chez le
tailleur, récupérer quelques affaires et lui emmener 3 kurtas à
confectionner, pour mes petites sœurs et moi. Un léger détail
concernant la mienne, mais je n’en dirai pas plus, il faut garder
l’effet de surprise !
A mon retour, Catrina m’annonce que deux australiens vont bientôt
arriver au refuge, ce sont des gens d’une cinquantaine d’années,
globe-trotteurs-écolos dans l’âme (et très funs !) qui rendent
régulièrement visite aux habitants du refuge, leur indiquant un endroit
où attraper une chienne prête à mettre bas, qui nourrissent les chiens
errants, etc. Cela fait plusieurs fois qu’ils viennent à Darjeeling, et
à chaque fois ils y reviennent en basse saison, c’est rigolo, la
plupart des gens que j’ai croisés jusqu’à présent se sont rendus compte
que même si la basse saison était moins chère, c’était quand même pas
l’idéal pour visiter le coin !
Malheureusement l’entrevue sera de courte durée car ils ont tardé à
arriver à pied de Darjeeling (en même temps il y a 9km et ce ne sont
pas des grands sportifs visiblement) et moi je dois filer sur
Darjeeling justement pour une histoire de billet d’avion annulé pour
mon chéri et report sur un autre avion pas du tout arrangeant… Il
parait que quand certains avions ne sont pas assez remplis, la
compagnie annule le vol, c’est ce qui s’est probablement passé… J’adore…
Cela dit, cette petite obligation est, une fois de plus, l’occasion de
continuer mes pérégrinations dans cette ville où il est difficile de
s’ennuyer pourvu que, comme moi, on puisse s’émerveiller d’un parapluie
ou d’un chat posté sur un comptoir ! Le parapluie en question, le
voici, je le cherche désespérément en version repliable (collapsable en
anglais, certains mots anglais m’amusent beaucoup, celui là en fait
partie en ce moment) mais vu sa taille je peux toujours rêver… Quoique
je ne sais pas si ça transparait au travers du peu de photos que j’ai
pris sous la pluie, mais les parapluies ici sont étonnamment grands,
les plus petits seraient déjà des golfs en France… Le photographe m’a
donné plusieurs hypothèses pour expliquer cela : d’une part il pleut
beaucoup, donc il faut bien se couvrir et nos petits parapluies
européens ne sont pas assez couvrants, d’autre part il n’y a pas de
vent ici en période de mousson, alors qu’à Paris ou New York (où il a
photographié des scènes de pluie), les parapluies s’envoleraient trop
facilement, et enfin ici il y a la place, et les gens sont bien plus «
cools » que les occidentaux, pas d’énervement parce qu’on se prend un
coup de parapluie sur le coin du crâne…
L’agence de voyages étant à côté de Chowrasta, je fais, une fois de
plus, un petit détour par cette place pour y faire la connaissance de
la petite nouvelle. Je parle bien évidemment de la nouvelle ponette qui
a rejoint la troupe des poneys de Chowrasta. Une petite palomino, comme
Lovely, au dos un poil moins long mais pas forcément plus mignonne.
Mais d’après les soigneurs, elle est très gentille, c’est déjà ça… Il
n’y a plus qu’à espérer que le 29 ou le 30, quand je viendrai la
primovacciner et la vermifuger, elle se laissera faire ! J’en profite
pour demander aux soigneurs d’où viennent ces poneys, car ils ne
ressemblent en rien aux chevaux indiens très connus dans le monde
entier, les marwaris. Le jeune homme m’explique que ce sont des «
mountain ponys », littéralement des poneys des montagnes, et que
celle-là, comme les autres, arrive du Népal. Je vais me permettre une
réflexion un peu méchante, mais si les poneys népalais sont à l’image
de ceux de Chowrasta, ils ne sont pas prêts d’avoir une race au
standard homogène et agréable à l’œil. Cela dit, je suppose que c’est
bien le moindre de leurs soucis. A l’occasion, j’observe furtivement
quelques paires de sabots qui passent sous mes yeux, et force est de
constater que le « maréchal » est passé assez récemment, les pieds sont
plutôt bien taillés (quand ils le sont…), même si l’un est un poil
court sur les postérieurs (de mémoire la dernière fois il était très
très long, ils ont du couper avec la pince) et que globalement, la
ferrure est loin d’être un travail d’orfèvre… M’enfin apparemment aucun
poney ne boite… mais à mon avis les poneys népalais sont rustiques, à
défaut d’être jolis !
Je descends donc Nehru Road, en croisant au passage un magasin d’état
(prix fixés par l’état du Bengale Occidental, très raisonnables, et
finançant des projets « équitables ») où l’on m’offre une brochure très
intéressante, plutôt sur la culture bengali que népali, mais que je me
devrai de transcrire dans ce blog, le jour où j’en aurai le temps ! Je
continue ma descente vers Clubside puis Ladenla Road, où évidemment,
étape désormais incontournable après un déjeuner fade et peu ragoutant
au refuge, je m’arrête prendre quelques samossas au snack du Unique
(c’est décidé, j’écris au Lonely Planet pour leur recommander ces
samossas !). La descente de la rue me conduira devant un magasin
d’articles bouddhiques, dans une échoppe si petite (et surtout si
bondée) que j’aurai du mal à me reculer pour prendre en entier une
étonnante trompette de prière :
Je l’aurais volontiers ramenée pour mon frère, excellent trompettiste
(si si frérôt !), mais vu le poids de l’objet, j’y renoncerai. Je me
tournerai alors vers les bols de prière, mais pour un bol ancien,
composé de 7 métaux différents, il faut compter plus de 600 roupies…
cela dit, le son de ce bol lorsque le monsieur le frappait était
envoûtant ! Les bols modernes sont plus accessibles, mais composés de
seulement 3 métaux différents.
En sortant du magasin, je croise un cortège original d’hommes et de
femmes tirant un char très coloré, suivi d’une voiture pourvue d’un
haut parleur scandant une mélodie que j’avais, effectivement, entendu
une bonne heure plus tôt dans un autre endroit de la ville. Je me
demande ce qu’était cette drôle de procession, ce n’est pas la période
d’une fête religieuse particulière, il faudra que je pense à demander à
Yoguesh de m’expliquer cela demain.
Au hasard de mes pérégrinations dans la ville, je tombe sur un joli
chat blanc (enfin, blanc cassé !) sur le comptoir d’une échoppe de DVD.
Pendant que je prends quelques photos de l’animal, j’entends une voix
derrière moi, très joyeuse : « Hey, hello, that’s funny to see you ! ».
Je me retourne et je vois…les deux australiens de tout à l’heure !
Rencontre fortuite mais heureuse, ils m’emmènent boire un café frappé
dans l’un des rares cafés de la ville, et nous discutons, sous une
légère pluie, des relations franco-australiennes, de l’avis que les
australiens se font des français et vice-versa, de la terreur
australienne qui a vécue chez mes parents pendant 5 mois sans apprendre
une seule phrase de français. Au vu du récit que je lui ai fait de
l’ado en question (on pourrait penser que l’on exagère quand on parle
d’elle, mais il n’y a pas besoin d’exagérer quoi que ce soit pour
rendre les anecdotes très croustillantes), Line m’a dit que les
australiens n’étaient assurément pas tous comme cela mais qu’elle en
avait déjà croisés plusieurs ainsi, venant de différents pays. Une
question d’âge et de mentalité selon elle. Pendant que nous discutons,
un groupe d’indiens s’approche de nous, et nous demande de prendre une
photo souvenir avec eux. Il s’avère que ce sont des touristes du
Punjab, une région apparemment invivable en cette saison m’explique
Line, et les gens aisés viennent donc se rafraichir à Darjeeling
pendant la mousson.
La prise de la photo fut compliquée car ça chahutait joyeusement dans
tous les sens, mais au final on l’a eu ! Vous y reconnaitrez sans souci
les australiens, et moi, amusée par cette séance photo où les indiens
adorent vous prendre par les épaules comme si vous étiez des amis de
longue date. C’est assez drôle et cela contraste énormément avec les
propos de Bénédicte qui m’expliquait, la veille, que les habitants de
Siliguri étaient complètement fermés d’esprit et voyaient toutes les
femmes européennes comme des actrices de X ou presque, et de ce fait se
permettaient des remarques et attouchements assez choquants… ce groupe
de touristes, au contraire, était tout ce qu’il y a de plus sympathique
et c’est sans arrière-pensée aucune qu’ils ont pris la pose, tout
sourire, pour une photo souvenir. (Le monsieur sur la photo qui me
tient par les épaules m’a salué juste après d’un très respectueux «
Namaste » avec signe de la main associé). La culture indienne est
décidément très disparate d’une région à l’autre, et la généralisée
serait très réducteur, au final…
Afin de garder un souvenir de ce moment très convivial et jovial, Line
et son mari (dont je n’arrive pas à orthographier le nom, donc je
m’abstiendrai) me demandent de passer à leur hôtel, au dessus de
Clubside, pour transférer mes photos sur leur ordinateur. Je profiterai
de la superbe localisation de l’immeuble pour prendre une jolie photo
de la brume du soir envahissant la ville.
C’est d’ailleurs depuis une fenêtre de cet hôtel qu’une vidéo très
célèbre dans le Gorkhaland a été prise, par un français d’ailleurs
(j’ai donc eu la joie et l’honneur de la traduire plusieurs fois). Il
s’agit de la vidéo, très regardée sur youtube, de l’assassinat le 21
mai dernier d’un chef gorkha d’un parti politique concurrent du GJMM
(le parti aux couleurs vert-blanc-jaune, assez violent et à
l’initiative des grèves qui paralysent la région et ennuient plus les
habitants que l’état). Cet homme s’apprêtait à faire un discours
quelques heures plus tard, et il était d’un parti prônant des méthodes
plus diplomatiques… Je ne continuerai pas ma réflexion, mais vous
imaginez bien ce qu’un occidental en pense… Heureusement pour moi,
cette partie est rédigée en français, et je ne m’amuserai pas à la
traduire en anglais, il ne faut pas contrarier le parti... J’ai
d’ailleurs appris au fur et à mesure de mon séjour que ces fameux
drapeaux que je croyais caractéristiques de la région sont en fait ceux
du parti, et que les gens les arborent non pas pour afficher leur
soutien, mais plutôt par obligation… Hum, j’aime cette manière de faire
!
Et en parlant de drapeau, j’en croise un géant alors que je m’apprête à reprendre le taxi pour Lebong
Ainsi se terminera cette journée bien joyeuse, sur une note un peu
amère en pensant à la situation politique de la région… Mais bon, la
menace des 40 jours de grève n’est plus d’actualité, alors l’ambiance
est un peu moins tendue.